Laboratoire Spécification et Vérification

Message du LSV au sujet du contact tracing

Le COVID-19 menace aussi nos vies privées

L'informatique fait partie des moyens à notre disposition pour lutter contre la pandémie de COVID-19. Attestations de non-contamination, contrôle des conditions de quarantaine ou de confinement, prédiction des infections par "contact tracing"... certains pays ont déja mis en place de telles mesures, d'autres l'envisagent.

Face à la crise, la tentation est grande de mettre de côté les principes de sécurité et de respect de la vie privée auxquels nous sommes habituellement attachés. Il faut cependant rester vigilant quant aux dérives possibles: fuites, exploitations malveillantes par des pirates ou des États tiers, utilisation par nos propres institutions en dehors de la lutte contre la pandémie.

On entendra que tous les moyens ont été pris pour sécuriser tel dispositif, que les données sont anonymes, confidentielles, etc. De telles affirmations devront être évaluées, à l'aune de quelques grands principes qu'il est utile de rappeler.

  • Même si les chercheurs en informatique peuvent certifier certains aspects de la sécurité des programmes, ces garanties théoriques ne s'appliquent pas à leur déploiement concret. L'actualité nous rappelle régulièrement comment des masses de données sensibles finissent par tomber entre les mains de personnes mal intentionnées, ceci sans aucune possibilité de retour en arrière ou de quelconque réparation. En pratique, il est nécessaire de se préparer à l'exploitation de failles, pour en limiter l'impact.
  • Les atteintes à la vie privée sont difficilement quantifiables, et il est délicat de décrire précisément sous quelles conditions un système ne peut porter atteinte à la vie privée. En particulier, l'utilisation de pseudonymes n'apporte qu'une faible protection.
  • Il est nécessaire que tout dispositif impactant la sécurité et la vie privée des citoyens puisse être évalué par tous. La publication de sa spécification et de son code source en sont des pré-requis.
  • Une des meilleures façons de limiter les dérives est de décentraliser les systèmes pour distribuer les pouvoirs. De nombreuses techniques existent pour cela, s'appuyant en particulier sur la cryptographie. Il faut aussi spécifier clairement quelles institutions pourront exploiter le dispostif, et sous quel contrôle. Parmi les dérives possibles, des intérêts privés peuvent aller à l'encontre du bien public, mais des institutions publiques peuvent aussi finir par exploiter des données en dehors du cadre initialement prévu.
  • Il n'y a souvent pas de solution purement technique. Les lois encadrant la collecte et l'utilisation des données privées sont d'une importance primordiale, et la crise ne doit pas être l'occasion de les assouplir.

La communauté internationale de chercheurs dispose de nombreuses solutions respectueuses de ces principes, et nous espérons qu'elles pourront être mobilisées pour sortir de cette crise grandis.

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