Système sonore
Les traits pertinents qui rendent aisément reconnaissable le tchèque sont la différence entre voyelles longues et courtes, la différence entre consonnes dures et molles (malgré son faible rendement) et les consonnes notée « Å » et « h », l'accent fixe initial. On classe ci-dessous les phonèmes suivant la dichotomie traditionnelle consonnes vs. voyelles, bien qu'elle soit difficile à mettre en Åuvre en tchèque (cf. les diphtongues et les sonnantes).
Voyelles
Les voyelles tchèques sont soit courtes, soit longues, ce qui affecte peu leur timbre.
Cette différence de longueur permet dâopposer des mots (elle est phonologiquement pertinente), comme le montrent les paires minimales suivantes :
- sad [sat] ~ sát [saËt]
- bal [bal] ~ bál [baËl]
- kaž [kaÊ] ~ káš [kaËÊ]
- lek [lÉk] ~ lék [lÉËk]
- len [lÉn] ~ lén [lÉËn]
- sled [slÉt] ~ slét [slÉËt]
- bor [bÉr] ~ bór [bÉËr]
- chor [xÉr] ~ chór [xÉËr]
- mot [mÉt] ~ mód [mÉËt]
- sir [sɪr] ~ sýr [siËr]
- Žid [Êɪt] ~ žÃt [ÊiËt]
- kil [kɪl] ~ kýl [kiËl]
- dul [dul] ~ důl [duËl]
- nuž [nuÊ] ~ nůž [nuËÊ]
- ruÅ¡ [ruÊ] ~ růž [ruËÊ]
La nature de cette opposition partage les spécialistes :
- certains estiment quâil faut compter dix voyelles ; le trait de longueur serait qualitatif (donc fondé sur une différence de timbre ?) ;
- dâautres estiment que câest essentiellement une opposition de quantité: les longues sont réputées dâune durée approximativement deux fois supérieure aux courtes ;
- le schéma ci-dessus, qui fait ressortir le caractère sensiblement plus palatal de [i], suggère un traitement propre pour les voyelles antérieures dâaperture minimale : cela ferait six voyelles en tout.
En tout état de cause, cette longueur nâest pas un simple redoublement de voyelles: il nây a pas de sens dâinterpréter /á/ comme /a/ suivi dâun autre /a/, câest-à -dire de décomposer les syllabes longues en deux mores) : en effet, l'accent de mot frappant une voyelle longue sâapplique sans distinction de mores (a contrario du serbe, du croate ou du grec ancien).
Diphtongues
Il y a trois diphtongues en tchèque :
- /aÊ̯/ représenté par au (presque uniquement dans les mots dâorigine étrangère) ;
- /eÊ̯/ représenté par eu (uniquement dans les mots dâorigine étrangère) ;
- /oÊ̯/ représenté par ou ; selon la morphologie du mot, ou est un digramme représentant la diphtongue /oÊ̯/, comme dans mouka (deux syllabes : mouk-a) « farine », ou bien représente deux graphèmes appartenant à deux parties de mots comme dans nedouk (trois syllabes : ne-do-uk) « demi-savant ».
Consonnes
La lettre « Å » représente un phonème réputé spécifique au tchèque. Mazon décrit ce « Šsi caractéristique du tchèque ». Il combine les vibrations de la langue dâun « r » roulé et le bruit de friction de la chuintante « j ». Câest une consonne dorsoalvéolaire roulée dont la variante principale est voisée, qui se transcrit comme /rÌ/ (ou /ɼ/ dans le système API dâavant 1989).
La fricative voisée /ɦ/ est produite par resserrement du chenal buccal au niveau du larynx lors de lâémission de la voix. (Elle ne doit pas être confondue avec la fricative sourde â dite « expirée » â de lâanglais « holiday »). Elle est notée « h » devant une voyelle.
Le digramme « ch » /x/, mais également « h » ailleurs que devant une voyelle, note le correspondant sourd de la précédente. Sa réalisation est comparable à lâallemand « Ach! », mais plus douce.
En outre, comme on lâa dit, il existe une corrélation de mouillure pour les dentales occlusives et sonnantes ; les consonnes molles sont très nettement palatalisées :
- « Ä » (/É/) est proche du français « dieu » ;
- « Å » (/ɲ/) est proche de « rossignol » ;
- « ť » (/c/) est proche de « tiare ».
Les sonnantes [r], [m] et [l] peuvent fonctionner comme sommet de syllabe (à lâinstar de voyelles) et permet des mots autrement dépourvus de voyelles comme zmrzl « il a gelé » ; ztvrdl « il a durci » ; scvrkl « il a rétréci » ; Ätvrthrst « quart de poignée » ; blb « imbécile » ; vlk « loup » ; smrt « la mort » ; sedm « sept ». Cette propriété est illustrée dans un virelangue célèbre : StrÄ prst skrz krk « mets ton doigt en travers de la gorge ».
Le tchèque considère le [m], le [r] et le [l] comme des semi-voyelles. Lorsquâelles jouent ce rôle, elles sont toujours dures. Par exemple, la règle de lâadjonction de voyelles euphoniques, devant un mot commençant par deux consonnes, ne sâapplique pas si le mot commence par lâun de ces deux phonèmes : ve kterém « dans lequel » mais v kleci « dans la cage ».
à la fin des mots et devant sourdes, les consonnes sonores (voisées) sont assourdies : lev « lion » se prononce comme sâil était écrit « lef » et batoh « sac » se prononce comme « batoch ».
Initiale des mots
Plusieurs phénomènes interviennent à l'initiale des mots.
On constate l'insertion d'un coup de glotte devant voyelles. Ce coup de glotte est traité comme une consonne sourde, et entraîne par conséquent l'assourdissement des consonnes voisées (sonores) qui précèdent : pod oknem [potÊoknem] « sous la fenêtre ». La prononciation [podoknem], jugée plus relâchée, se rencontre lorsque le débit est plus rapide.
Dans la langue familière, devant l'initiale o- se développe parfois la prothèse [v]: ainsi okno se dit souvent vokno.
Ces phénomènes permettent de distinguer l'initiale absolue du mot de l'initiale du groupe plus large, incluant les particules atones (clitiques), qui porte l'accent.
Accent
L'accent est toujours porté sur la première syllabe du mot. Il existe des exceptions.
Les prépositions monosyllabiques forment une unité avec le mot suivant si celui-ci n'est pas plus long que trois syllabes. L'accent est alors placé sur la préposition : par exemple ËPraha (Prague) â Ëdo Prahy (vers Prague). Cette règle n'est pas appliquée pour les longs mots, par exemple : Ëna ËkoloËnádÄ.
Des mots monosyllabiques (par exemple : mi (moi), ti (tu), to (ça), se, si (même), jsem (suis), jsi (es), etc.) sont des clitiques. Ils n'ont pas d'accent et forment une unité avec les mots précédents. Un clitique ne peut pas être le premier mot d'une phrase. Un autre mot doit le précéder. Par exemple : ËNapsal jsem ti Ëten Ëdopis, Je t'ai écrit cette lettre.
Les mots de plus deux syllabes ont d'autres accents. Placés sur les syllabes impaires, ils sont beaucoup moins marqués que le premier accent, dont ils constituent une sorte d'« écho ». Par exemple : Ënej.krás.ËnÄj.šà (le plus beau).
L'accent n'influence pas la longueur des voyelles. Ceci offre quatre possibilités, caractéristiques du rythme en tchèque :
- voyelle courte accentuée
- voyelle courte inaccentuée
- voyelle longue accentuée
- voyelle longue inaccentuée