Retour d'expérience sur le projet EIG

Posté le 14-11-2021 par Aliaume Lopez – lecture en 4 minutes (≈ 989 mots)

Il fallait bien faire un jour une rétrospective sur l’utilisation du dispositif de césure de thèse pour travailler dans une administration publique sur un poste non académique. Avant de se lancer, fixons un peu les termes, j’utilise le terme « publique hors académique » pour désigner les postes ouverts avec un contrat de droit public mais dont les missions ne sont pas des missions de recherche ni d’enseignement.

Quelques rappels sur la césure

Les dispositifs de césure

La césure de thèse suit les mêmes règles que les césures universitaires ; c’est une période durant laquelle le doctorant cesse ses activités de recherche et n’est plus intégré à son unité de recherche. Sa durée est au minimum d’un semestre et elle est limitée à deux semestres consécutifs. Le point de départ pour vos recherches documentaires sur la césure se trouve sur le site officiel du gouvernement. Il faudra donc trouver une activité sur les dates des semestres universitaires, raisonnablement sur une année complète: de septembre à septembre. Selon les établissements, la césure ne peut être demandée au cours de la 1ère année de thèse, ni postérieurement à la durée de référence de la thèse fixée par les textes (après la 3ème année en cas de thèse « à temps plein », après la 6éme année en cas de thèse « à temps partiel »).

La durée de la césure n’est pas comptabilisée dans la durée de la thèse

Une grande variabilité de mise en place

Afin de bénéficier de ce dispositif, les procédures varient selon les écoles doctorales, comme celle de Paris-Saclay, celle de l’Université de Lorraine ou celle de l’Université de Bordeaux. Il est aisé de voir les variations dans les dossiers selon l’université. En particulier, il faut absolument se renseigner sur les dates de dépôt de projet de césure ; malgré cet avertissement, il faut aussi savoir que le nombre de projets de doctorants étant assez faible, il est parfois envisageable de contacter directement votre école doctorale pour valider un projet « en dehors des dates limites ».

Que faire pendant une césure ?

Une liste non exhaustive se construit en regardant le site du gouvernement ; j’ai sélectionné ceux qui permettent de travailler dans le secteur public ou des associations car ce sont les moins connus.

  1. Un Service Civique ;
  2. Un volontariat au sein du corps européen de solidarité ;
  3. Un volontariat international en administration (VIA) ;
  4. Un volontariat de solidarité internationale (VSI).

Il faudra noter que votre projet sera à défendre devant votre école doctorale et va mener à des race conditions c’est-à-dire des phénomènes de concurrence entre les procédures administratives de votre école doctorale et celles de votre potentielle activité lors de la césure. La plus connue et la plus simple est dans le cadre d’un contrat (CDD/CDI) : votre projet de césure nécessite une forme d’attestation de la part de l’employeur, et votre employeur demande un certificat pour votre césure de thèse. Il faudra échanger les promesses et rester en contact permanent avec les différentes parties pour mener les dossiers à terme.

Mon expérience personnelle

J’ai effectué une césure avec l’École Doctorale STIC de l’Université Paris-Saclay pour une durée d’un an ; durant cette césure j’ai été employé 10 mois en CDD par l’Autorité de Sûreté Nucléaire par le truchement du programme Entrepreneur d’Intérêt Général (EIG).

Un projet intégré au sein d’une administration

J’ai été recruté en 2020 sur le projet SIANCE porté par l’ASN, en collaboration avec un data scientist. Dans cette équipe restreinte encadrée par deux membres de l’ASN, nous avions pour mission de valoriser la connaissance du terrain produite par les inspecteurs. Il s’agissait d’abord d’agréger, de croiser et de consolider les données produites par les inspections, puis de proposer un accès à ces informations pour tous les inspecteurs. La taille limitée de l’équipe et son statut exceptionnel au sein de l’administration ont facilité un développement rapide. Au contact direct avec les utilisateurs, nous avons mis en place un outil sur mesure, utilisant des techniques de l’état de l’art pour le traitement du langage naturel. L’ASN ne recrute pas ordinairement de développeurs et fait appel à des services de prestation pour ses besoins numériques. Dans ce cas les inspecteurs sont rarement placés au centre du développement de l’outil et ont parfois l’impression que celui-ci va alourdir leur processus d’inspection.

Réception d’un docteur

Dans notre cas, l’immersion de l’équipe dans l’ASN et le crédit apporté par le statut de doctorant ont créé une confiance dans l’outil, difficile à obtenir par d’autres moyens. À mon avis, l’utilisation par l’administration de contrats courts à des fins de modernisation se couple particulièrement bien avec une césure de thèse.

Réflexions sur la césure de thèse

La césure de thèse est un dispositif qui est relativement peu étudié/mis en avant par les universités et écoles doctorales, alors qu’il fournit un outil alternatif aux contrats CIFRE (lorsque ceux-ci sont seulement possibles) dans laquelle l’intégralité du temps de l’agent est consacré aux besoins d’une administration.

Pour le doctorant, c’est une opportunité d’ouverture en dehors de son sujet de thèse et même de la recherche académique. Néanmoins, ceci n’est pas sans contrepartie, il est strictement impossible d’effectuer un travail de recherche en parallèle d’une activité salariée à temps plein. De la même manière, une telle expérience hors-recherche sera difficilement valorisable dans les carrières de recherche.

On constate alors une tension entre la volonté d’insérer les docteurs sur le marché du travail, ce dont année d’immersion a définitivement le potentiel, et préserver la formation par la recherche, pour la recherche dédiée au système académique.

Le dispositif de césure crée naturellement un pont entre l’administration d’accueil et le laboratoire du doctorant, au moins lorsque celui-ci y retourne et partage son expérience ; mais ce gain est à mettre en comparaison avec le besoin vital d’un personnel doctorant au sein des universités pour assurer les missions d’enseignement. Il est donc extrêmement peu probable que ce processus se généralise dans les années à venir.