Médiation scientifique

Posté le 03-09-2019 par Aliaume Lopez – lecture en 5 minutes (≈ 1047 mots)

Introduction

Vous avez fait un stage sur un sujet technique ? Vous avez trouvé un résultat intéressant dans un domaine scientifique ? Ce n’est que la première étape. Voici quelques conseils pour réaliser une bonne médiation de votre travail. Que ce soit pour une présentation (conférence, séminaire) ou pour un rapport (article, rapport de stage, journal) il y a un état d’esprit qui va augmenter significativement la qualité des supports que vous produisez.

Une règle d’or

L’idée essentielle est à la fois très simple et pourtant mal comprise par un grand nombre: il faut produire une présentation pour un public et non pas pour soi même. C’est à contrecœur qu’une majorité de personnes vont simplifier leurs résultats, ou passer sous silence une grande partie de leur travail afin de mieux transmettre le résultat principal de leur travail.

Technique tu vas mourir

Si vous présentez à un groupe de scientifiques expérimentés, les détails techniques n’importent pas puisqu’ils sont a priori capables de les inférer. Si vous présentez à un groupe qui ne travaille pas dans votre domaine d’expertise, les détails techniques n’importent pas, puisqu’ils ne seront pas compris par l’audience.

Il est particulièrement dur de faire cet effort d’humilité consistant à trivialiser son travail. En effet, on peut vouloir partager la difficulté, le côté fantastique du travail théorique qui a mené aux résultats. Néanmoins, à quelques exceptions près, ce n’est jamais une idée brillante.

Voici un exemple qui s’applique aux présentations orales: ne jamais donner de définition formelle. Au contraire, illustrer la définition sur un exemple assez simple pour être compris, et assez complexe pour donner une intuition de la notion. Une diapositive qui s’affiche plus d’une minute est une erreur, et la compréhension d’une définition formelle demande en général plus d’une minute. En effet, l’esprit humain semble particulièrement mauvais à la spécialisation d’une définition à un exemple. En revanche, il est tout à fait adapté à la généralisation: à partir d’un exemple, on fait transparaître une intuition qui donnera non seulement la satisfaction de comprendre à votre auditoire, mais aussi une référence qui restera durant toute la présentation.

Connaître son auditoire

S’il est nécessaire d’adapter le format et le contenu aux groupes lecteurs (jury, pairs, élèves), il est tout aussi nécessaire de le spécialiser pour les individus composant ces groupes. Ainsi, savoir quels sont les métiers d’un jury ainsi que leurs centres d’intérêt permet plusieurs choses

  1. Anticiper les questions spécifiques, et avoir du recul sur celles-ci
  2. Préparer des exemples ou des accroches pour captiver spécifiquement cette personne
  3. Montrer que cette présentation est personnalisée, ce qui plaît bien sûr énormément

Préparer des accroches

Ce qui vous intéresse, c’est la preuve (sic). Mais ce qui intéresse les autres, ce n’est sûrement pas ça. Et c’est encore moins le fait de vous entendre pendant une vingtaine de minutes expliquer à quel point le domaine est complexe et vaste. Cela transmet en effet l’impression d’un flou volontaire, qui brise le lien de confiance avec l’auditoire.

Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas présenter quelque chose qui vous tient à cœur, au contraire. En revanche, cela veut dire qu’il faut trouver un moyen pour que l’audience aussi, prenne ce sujet à cœur. Cela se fait typiquement par des phrases orales comme « je vais vous expliquer à quoi cela peut vous servir », « à la fin de cette présentation vous serez capable de » etc.

Bien contextualiser son travail

L’idéal, c’est d’avoir un tableau avec « avant / après ». La conclusion doit montrer que vous avez produit quelque chose en rapport avec l’état de l’art.

Un outil est un outil

Très souvent on ressent l’envie d’utiliser un outil qui est tendance, néanmoins cela ne justifie pas une ouverture ou pire encore un travail de recherche. Ré-écrire des programmes fonctionnant déjà dans un langage différent sans espoir d’y gagner autre chose qu’une base de code dupliquée est malheureusement quelque chose de courant dans l’informatique pratique, et qui gagne parfois l’informatique théorique.

Toujours justifier pourquoi cela serait intéressant d’utiliser cet outil.

Une conclusion digne de ce nom

Il ne faut jamais terminer sur un simple « j’ai terminé ». Au contraire, il faut être plus engageant, en remerciant explicitement l’auditoire et en ajoutant une phrase comme: « j’espère que cela vous a convaincu de la pertinence de mon approche ». Celle-ci est très générique, mais en la personnalisant et en la liant à une introduction spécifique cela devient beaucoup plus puissant.

Une image vaut mille mots

L’esprit humain est particulièrement adapté pour la reconnaissance de visages. Si possible, quand vous parlez de quelqu’un, mettre une petite image à côté.

Gardez une cohérence dans les notations

C’est particulièrement important pour le côté formel, mais aussi sur le point de vue visuel. Ne changez pas d’orientation sur les diagrammes, gardez toujours une même notion associée aux points cardinaux.

Les diapositives ne sont pas le produit

Contrairement à un rapport ou à un article, devant lesquels le lecteur est seul, une présentation est animée par vos soins. C’est vous la présentation. Les diapositives doivent servir de support visuel pour illustrer des concepts qui sont mal décrits par un langage trop linéaire et/ou ambigu.

En particulier, ne jamais mettre trop de texte dans des diapositives, cela vous forcera à les lire, et donnera quelque chose de saccadé et ennuyeux.

Raconter une histoire cohérente

C’est la clef pour avoir une diction fluide et ne pas perdre l’auditoire (ni soi même). Durant l’élaboration de la présentation, écrire sur un papier les points principaux de votre histoire. Comme toute histoire elle commence par un contexte: « il était une fois ». Par la suite, on décrit quelques personnages, et très vite on arrive à un élément déclencheur: « mais ceci ne fonctionne pas ». Là c’est une péripétie qui suit: votre travail. Il peut y avoir des histoires plus ou moins complexes. Le tout est que sur un papier, les points principaux, dénués de toute techniques, semblent cohérents.

Après avoir écrit sur ce papier, un exercice intéressant est de le cacher, et raconter l’histoire. Assez vite, on se rend compte que certaines parties ne s’enchaînent pas logiquement: c’est ce qui fait que certains orateurs semblent « redécouvrir » leurs diapositives, elles ne s’enchainent pas logiquement et donc ils sont surpris, et doivent apprendre par cœur leur ordre.